appréhendait le moment où cette littérature, définitivement épuisée, conduirait ses adeptes à se heurter, comme il le dit « au mur du fond ». Et enfin parce qu’il était un artiste et un sensitif, il aspirait à sortir de ces bas-fonds dans lesquels étouffait une humanité hideuse ; il avait besoin d’air, d’idéal et de surnaturel.
Mais à quelle source de beauté irait-il les puiser ? Est-ce qu’il n’était pas en droit de dire, lui aussi, à la façon de Baudelaire :
Que tu viennes du ciel ou de l’enfer, qu’importe,
Ô Beauté, monstre énorme, effrayant, imprévu,
Si ton œil, ton souris, ton pied m’ouvrent la porte
D’un infini que j’aime et n’ai jamais connu ?
Ce fut alors qu’il écrivit À Rebours. Pourquoi l’écrivit-il ? Lui-même nous l’apprend, dans la curieuse préface qu’il composa, en 1904, pour une édition illustrée de cet ouvrage :
« J’y voyais, nous dit-il, un pendant d’À Vau-l’eau, transféré dans un autre monde ; je me figurais un Monsieur Folantin, plus lettré, plus raffiné, plus riche et qui a découvert dans l’artifice, un dérivatif au dégoût que lui inspirent les tracas de la vie et les mœurs américaines de son temps ; je le profilais, fuyant à tire d’aile dans le rêve, se réfugiant dans l’illusion d’extravagantes féeries, vivant seul, loin de son siècle, dans le souvenir évoqué d’époques plus cordiales, de milieux moins vils. »