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toutes les grâces malfaisantes de Marthe, il eut un étouffement et il demeura inerte, l’œil stupidement fixé sur le fouillis des draps.

Les jours qui suivirent furent atroces. Il mena cette vie des gens enfermés dans Paris sans famille, sans camarades, qui, à l’heure du dîner, remettent leurs bottines pour aller chercher pâture dans un bouillon. Cette halle où des gens en gala viennent à plusieurs, manger des viandes insipides et roses, ce brouhaha de bonnes en gris qui naviguent entre des tables de marbre, ces malheureuses topettes de vin, ces assiettes en pâte à pipe, cette gloutonnerie d’imbéciles qui dépensent deux francs en nourriture et huit francs en boissons de luxe, cette épouvantable tristesse qu’évoque une vieille femme en noir, tapie, seule, dans un coin et mâchant, à bouchées lentes un tronçon de bouilli, tout cet écœurement d’odeurs, tout cet assourdissement de cris, tous ces frôlements de foule, il les connut pendant des mois. Il sortait du râtelier dégoûté et las, ne sachant que faire, irrité par la joie des autres, opprimé par un persistant ennui, puis il apercevait à l’angle d’un carrefour une taille, une robe qui ressemblait à celle de Marthe et il recevait comme un coup de