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son que tu as pris pour amant. Le sieur Léo t’aura fait des misères, eh bien ! mais lâche-le !

Au nom de son amant, Marthe se mit à sangloter.

— Allons bon, gémit l’ivrogne, voilà de l’eau, maintenant ! Je gare ma coupe !

— Ah tiens ! s’écria-t-elle, en s’exaltant à mesure qu’elle pleurait, tu ferais mieux de ne pas m’empêcher de mourir ! crois-tu donc que j’en aie déjà tant envie ? tu sais, on est folle au moment, on s’imagine que c’est tout simple de monter sur le parapet et de faire le saut. Ça ne dure pas longtemps, par exemple ! on a une fière peur, va ! ça vous remue, ce bouillonnement sous le pont ! c’est comme si on vous serrait la gorge, on étrangle ! et c’est bête pourtant, car mieux vaudrait en finir tout de suite que de continuer à vivre comme je vais le faire ! Vois-tu, Ginginet, tu diras ce que tu voudras, mais Léo était tout de même un bon garçon ! je me suis conduite avec lui comme la dernière des femmes. Je me grisais, sais-tu, et il me couchait et il me soignait quand j’étais malade. Est-ce que tu aurais fait ça, toi ? Allons donc, tu te serais saoulé avec mes restes ! Quant à ton opinion sur moi, je m’en fiche ! entre gens comme nous