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tience ; dans quelques mois sa situation serait meilleure.

Le journal mourut avant que de naître, la misère vint et, avec elle, les terribles désillusions du concubinage.

Les premiers temps, chacun s’efforce d’être aimable, c’est à qui devancera les désirs de l’autre et cédera à toutes ses volontés. L’on sent bien alors que la première dispute en engendrera d’autres, mais la misère dégrise. Grâce à elle, le vin d’amour est bien vite cuvé. Léo commençait à voir clair. Il était d’ailleurs harassé par ces mille petits riens qui désolent à la longue. Pourquoi s’obstinait-elle à ne pas vouloir laisser son fauteuil devant son bureau ? Pourquoi cette manie de lire ses livres et d’y faire des cornes ? Et puis, pourquoi cette volonté bien arrêtée de pendre sur son paletot et sa culotte, ses jupes et ses peignoirs, alors qu’elle aurait pu les accrocher à un autre clou et ne pas le contraindre à enlever toute une charretée de linge pour prendre sa vareuse ? Il fallait subir aussi l’odeur de la cuisine, la senteur lourde du vin dans les sauces, l’écœurante grillade de l’oignon dans la poêle, voir des croûtes de pain traîner sur les tapis, des bouts de fil sur tous les