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élancées, plus blondes, qui rient et boivent, toutes voiles dehors, les vins couleur de lumière, les bières couleur d’ambre.

Elle eut comme une rapide vision des gogailles passées.

Mais ni ces opulences, ni ces fougues, ni ces débauches de chairs à la Rubens, ni ces pourpris de lys et de vermillon, ni cette plénitude, ni cette somptuosité de charnure, ni ces remous, ni ces vagues de carmin et de nacre ne la tinrent longtemps. Elle regarda, sans s’y arrêter, différents tableaux, puis demeura songeuse devant une gravure d’Hogarth, un des épisodes de la vie des courtisanes. Ces drôlesses dépoitraillées, ce jeune homme ivre à qui une ravissante fillette dérobe sa montre, ces tréteaux pleins de verres renversés, de catins qui s’injurient, se crachent à la face, se menacent de coups de couteau, cette coquine dont le harnais, le corsage, les jupes, gisent fripés à terre et qui remet sur des bas de soie ses brodequins à revers, cette figure piquée de mouches aux lèvres et au front et dont un des seins dévale de la chemise pendante, ces deux malandrins loqueteux qui ululent à la porte et reflètent dans un plat de cuivre la flamme d’une bou-