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— Oui, c’est moi. Je cours comme un dératé depuis ce matin. Imaginez-vous, mon vieux, que je suis chargé par mon singe de remonter le personnel du théâtre de Bobino. Peu d’argent et des étoiles de première grandeur, des comètes, quoi ! C’est sa devise à cet homme. Enfin, j’ai couru chez Rodaln, chez Machut, chez Adolphe, je les ai engagés ; il ne me manque plus que des chanteuses ; et ce disant, Ginginet se tailla une large miche de pain et avala, coup sur coup, plusieurs verres. Entre deux rasades, il aperçut Marthe qui reposait, sombre, presque farouche, dans le fond du cabinet. Il se mit alors à débiter ses bons mots de coulisses, à dévider sa bobine de gracieusetés. Quand il la vit sourire, il l’invita à prendre une tasse de café ; elle refusa ; mais ce diable d’homme était si déluré, si jovial, il avait l’air d’un si vrai gaule-bon-temps, qu’elle finit par lier conversation avec lui. Ginginet l’examinait : elle est superbe, murmurait-il ; avec un costume neuf elle allumerait une salle. Elle a l’air panné et honteux, ça aura fait des bêtises, ça n’a peut-être pas seulement de domicile ; si elle a un tantinet de voix, je l’engage séance tenante ; une luisarde ramassée chez un mannezingue ! Je lui apprends