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rougissait de n’être pas à la hauteur de ses compagnes. Elle n’hésitait déjà plus à se donner, elle attendait une occasion propice. D’ailleurs, la vie qu’elle menait lui était insupportable ! Ne jamais rire ! Ne jamais s’amuser ! N’avoir pour distraction que la maison de son oncle, une bicoque, louée à la semaine, où s’entassaient, pêle-mêle, oncle, tante, enfants, chiens et chats. Le soir, on jouait au loto, à ce jeu idéalement bête, et l’on marquait les quines avec des boutons de culotte ; les jours de grande fête, on buvait un verre de vin chaud entre les parties, et l’on écossait parfois des marrons grillés ou des châtaignes bouillies. Ces joies de pauvres l’exaspéraient et elle préférait encore aller chez une de ses amies qui vivait en concubinage avec un homme. Mais tous deux étaient jeunes et ne se lassaient de s’embrasser. La situation d’un tiers dans ces duos est toujours ridicule, aussi les quittait-elle, plus attristée et plus agacée que jamais ! Oh ! elle en avait assez de cette vie solitaire, de cet éternel supplice de Tantale, de ce prurit invincible de caresses et d’or ! il fallait en finir et elle y songeait. Elle était suivie tous les soirs par un homme déjà âgé qui lui promettait monts et merveilles et un jeune homme qui habi-