Page:Huysmans - Marthe, histoire d'une fille, 1876.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.

conde scène. La salle recommença à tempêter. Ce qui la délecta, ce fut surtout l’entrée d’une actrice énorme dont le nez marinait dans un lac de graisse. La tirade éjaculée par la bonde de cette cuve humaine, fut scandée à grands renforts de : « larifla, fla, fla ». La pauvre femme était ahurie et ne savait si elle devait rester ou fuir. Marthe parut : le charivari cessa.

Elle était charmante avec son costume qu’elle avait elle-même découpé dans des moires et des soies à forfait. Une cuirasse rose, couturée de fausses perles, une cuirasse d’un rose exquis, de ce rose faiblissant et comme expiré des étoffes du Levant, serrait ses hanches mal contenues dans leur prison de soie ; avec son casque de cheveux opulemment roux, ses lèvres qui titillaient, humides, voraces, rouges, elle enchantait, irrésistiblement séduisante !

Les deux plus intrépides hurleurs qui se répondaient de l’orchestre au paradis, avaient cessé leurs cris : « anneau brisé, la sûreté des clefs, cinq centimes, un sou ! orgeat, limonade, bière ! » Soutenue par le souffleur et par Ginginet, Marthe fut applaudie à outrance. Dès que sa romance fut versée, le brouhaha reprit plus furieusement. Le