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Ce fut une nouvelle fascination pour Marthe, ce fut cette attraction du vide sur lequel on se penche, que cette vie chauffée à blanc, que ces culbutes, que ces pirouettes, que ces verres vidés sur le coude, que ces disputes entre l’une et l’autre pour un ruban ou pour un homme, que ces raccommodements entre deux galops ; elle se souvint avec un singulier plaisir de ces ardeurs et de ces fièvres qui la faisaient délirer et se tordre, comme cette frénésie et ce vertige qui font ululer et bondir les derviches hurleurs affolés par le tournoiement de leurs rondes !

Et puis, c’était une déroute de toutes les idées tristes, une abdication volontaire des luttes d’ici-bas que ce désordre sans cesse attisé : la prison éloignait toutes les difficultés de l’existence, on ne s’occupait plus de rien sinon de gagner assez pour perdre au jeu et s’ivrogner si les passants se refusaient à payer l’écot, et cependant, quelle misère et quelle abjection ! Sans doute, elle s’y était faite aux baisers méprisants des hommes, mais, les premiers temps, comme le goût de cette bourbe lui avait tenu en bouche ! le chaland se levait le matin et, dégrisé, reconnaissant l’endroit où il avait couché, furieux contre lui-même, plein de