Page:Huysmans - Marthe, histoire d'une fille, 1876.djvu/124

Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus de goût à lui manger ses biens ; elle resta chez elle, couchée pendant des journées entières, fumant des cigarettes, buvant des grogs, anéantie et torpide. Cette solitude qu’elle se créa, renonçant aux visites d’autres femmes, cette somnolence qui ne la quittait plus, devait aboutir comme autrefois, quand elle habitait chez le poëte, à d’abominables saouleries. Elle but, à gosier débordant, des alcools et des bières, mais quand sa tête s’emplissait de brumes, elle revoyait la chambre de Léo ; cet amant qu’elle avait torturé comme à plaisir, se vengeait par le persistant souvenir de ses bontés.

Marthe se vautra dans le vin pour s’égayer et chasser à jamais la hantise du poëte, mais son estomac s’y refusait maintenant, elle eut d’atroces flambées dans le ventre. Elle dut interrompre ces noyades et, un soir, exaspérée de ne pas dormir, les nerfs malades à se rouler par terre, elle sauta du lit, s’habilla, prit une voiture et se fit conduire chez son ancien amant.

Ce fut machinal, ce fut inconscient. Les bouffées d’air qui entraient par les embrasures du fiacre la firent revenir à elle. Il était dix heures du soir, elle fut sur le point d’arrêter le cocher et de descendre