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depuis deux ou trois ans, avec une jeune femme, qu’ils étaient séparés de lit sinon de corps, depuis qu’il avait connu Titine, et il acheva ses confidences par l’aveu qu’il adorait la jeunesse et que son plus grand bonheur était de souper avec de joyeux garçons et de jolies filles.

La sonnette commençait à tinter. Les invités arrivèrent en foule. Vieillards cérémonieux, arborant sur des lèvres sans dents un sourire folâtre, jeunes gens vêtus de cols cassés, de vestons courts, de pantalons larges, de souliers à bouffettes, femmes un peu mûres et rechampies de talc et de rose, jeunes filles aux voix d’hommes enroués, aux poitrines flasques ou plates, moutards frais éclos du collége, avec une raie au milieu du front et des bas rayés, tout cela se tassa dans le petit salon. Le mal-être des premiers instants se dissipa bien vite, les hommes s’enhardirent, le gros négociant rit de tout son rire épais, Titine prit l’air pincé d’une maîtresse de maison, la bonne eut des familiarités de servante à filles, le punch circula et les inepties commencèrent à se débiter. Les femmes n’osaient encore se révéler et laisser libre cours à leurs joies de guinguettes, les vieux routiers se réservaient pour l’heure de la bâfre,