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mettre en relation avec l’un d’entre eux. Vois-tu, ma petite, ce n’est pas une vie que d’aller avec Pierre et avec Paul ! C’est déjà bien assez que d’avoir un homme qui vous entretient et un autre qui vous gruge ; il faut faire une fin. Vois, moi, je suis très-heureuse ; j’ai pour amant un malbâti, c’est vrai, mais il ne passe presque jamais la nuit : c’est à considérer. Gante, comme j’ai fait, un vieux qui soit marié ou un tout petit jeune homme qui ne le sera qu’après s’être laissé ruiner ; l’un et l’autre se valent. Le tout c’est de ne pas prendre un amant qui atteigne la trentaine. Plus d’amour et pas encore de passion, c’est notre mort à nous, ces gens-là !

La soirée fut charmante. Le gros négociant arriva, flanqué d’un pâté aux truffes et d’un panier de vins. C’était un crapoussin bonasse et un jovial compère que ce commerçant coureur de guilledous. Ventripotent et poussif, il avait des favoris en nageoires, et sa figure offrait cette particularité étonnante, que le nez était couleur d’aubergine tandis que le reste de la figure semblait teint avec ce rouge éclatant des peintres émailleurs, la pourpre de Cassius. Il fit des compliments de boîtes de dragées à Marthe, lui expliqua qu’il était marié,