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faire écraser par lui, rendirent Marthe presque folle. Elle eut des moments d’accablement et de prostration où elle recevait les coups sans bouger jusqu’à ce que, hurlant de douleur, elle le suppliât de ne la point tuer. Elle eut aussi des bondissements, des jours où, rugissante et cabrée, elle se précipitait sur lui, éprouvant une âpre jouissance à se colleter corps à corps, à se rouler sur le carreau, à briser tout ce qui tombait sous sa main, puis, sans haleine, sans force, enamourée et farouche, elle enlaçait de ses bras meurtris le sinistre farceur qui descendait lamper chopine en bas, et répondait aux buveurs atterrés par ces cris :

— Oh ! ce n’est rien ! Je repasse la chemise de ma femme !

Il redescendit un jour, la figure en sang. La salle s’esclaffa de rire. Ces railleries l’exaspérèrent ; il remonta dans sa chambre et il assomma presque Marthe à coups de bottes. On dut la lui arracher des mains et la jeter dans une voiture qui la déposa au premier hôtel venu.

Du coup elle fut guérie de son amour. Quand elle se réveilla, le lendemain matin, brisée et le visage bleui par les coups, elle s’étonna d’avoir pu supporter ces ignobles luttes et elle en ressentit un hor-