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LES FOULES DE LOURDES

ville rendue complaisante par ses instincts de lucre, et un côté de fraternité vous vient pour tous ces gens qui pensent comme vous, qui sont, comme vous, à l’affût des bienfaits de la Vierge. L’on finit, sans l’avoir demandé, par savoir pourquoi un tel se promène ici et pourquoi une telle est là et l’on s’intéresse à leur guérison et à la réussite de leurs projets. Il y a un peu de la camaraderie d’un bivac dans cette réunion de personnes campées dans un bourg ; l’on ne peut faire d’ailleurs deux pas, dans un sens ou dans l’autre, sans se retrouver. On se croise sur l’esplanade, on se côtoie dans la basilique et dans sa crypte ou dans le Rosaire, on se coudoie à la grotte et l’on a presque envie, sans se connaître, de se saluer.

La vérité est que nul ne reste chez lui et que tous, qu’il pleuve ou non, vivent au dehors. L’on tourne, du matin au soir, sur la même piste, ne voyant, où qu’on aille, en sus de visages ressassés, que des statues de vierges en plâtre, les yeux aux ciel, vêtues de blanc et ceinturées de bleu ; pas une boutique où il n’y ait des médailles, des cierges, des chapelets, des scapulaires, des brochures racontant des miracles ; le vieux et le nouveau Lourdes en regorgent ; les hôtels même en vendent ; et cela s’étend de rues en rues, pendant des kilomètres, part de l’ancien Lourdes, avec la pauvre camelote des petits chapelets à chaînettes et à croix d’acier