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sonnait fort et que la chatte effarée se coulait sous les meubles, puis, riant tout seul, il se couchait à son tour, s’enveloppant la tête d’un madras qui brandissait des cornes.

Somme toute, cette femme menait une vie de poule en pâte et de temps à autre, quand elle ne couvrait pas de pelletées d’injures Chaudrut, sa bête noire, ou qu’elle ne déplorait pas avec la contre-maître le renchérissement des haricots, ces légumes qui sont si gourmands de beurre ! Elle mignotait Céline, sa préférée, dont la tignasse jaune de chrome l’intéressait.

Celle-ci était bien hésitante pour l’instant. — Anatole était vraiment un sale individu ! Elle se rappelait son admiration pour la femme colosse et elle commençait d’ailleurs à ne plus le trouver drôle. Avec cela, il lui avait mangé toutes ses économies et elle n’avait plus une robe à se mettre sur le dos, plus un chiffon à faire onduler dans les crêpés de ses cheveux. Elle réfléchissait aux misères de l’amour, se répétant : « J’aimerais mieux ne pas être aimée et que ça ne me coûtât rien ! »

Elle était, de plus, tenaillée par l’envie. Elle venait de rencontrer l’une de ses anciennes camarades d’atelier, Rosine dite la Vache, une grande bringue qui avait des ornières aux épaules et des dents en moins. Bobosse et avec cela rouge