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voilà encore quatre qui désertent, et elle ajoutait qu’il fallait avoir un fier béguin pour rester avec un homme, quand il se dénude. Les raclées qu’il lui appliquait naguère devenaient inefficaces, ses poings avaient molli. Dans la bagarre, il recevait maintenant autant de horions qu’il en envoyait.

La mère Teston, elle, travaillait sans penser à rien. C’était une machine organisée, une plieuse mécanique à tant la journée. Elle était heureuse et n’avait pas d’ailleurs sujet de se tracasser. Son mari était un homme bonasse et bébête, obéissant sans regimber à ses moindres ordres. Jusqu’à l’arrivée du crépuscule, elle ramait avec un couteau de bois sur du papier, rentrait à sept heures, préparait la popote, dévidait à Alexandre tous les cancans de l’atelier, se faisait narrer par lui tous les accidents et tous les crimes notés par le Petit Journal, nettoyait sa vaisselle, récurait le plat de sa chatte, raccommodait un bas de laine sur un œuf en bois et, sans Ave ni Pater, dès les dix heures, se mettait au lit, crevant les draps de ses os en pointe.

Son mari, qui était flatueux, canonnait, de ci, de là, contre la cheminée, contre la commode, mais au bout de vingt ans de ménage tout n’est-il pas permis ? La mère Teston ne prêtait même plus l’oreille au bruit ; lui, s’ébaudissait lorsqu’il