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charmeuse de serpents. Ce spectacle les impressionna plus que tout autre. La charmeuse était une grande femme du Midi, maquillée comme une Jézabel, vêtue d’une blouse de soie rose, de collants cachou, de bottines à glands d’or. Elle tirait d’une caisse d’interminables reptiles qui dardaient des langues noires en fourche, et ondulaient autour de son corps, caressant ses joues fardées avec leurs têtes plates, chatouillant ses dessous de bras avec leurs anneaux roulants. La tente regorgeait de monde et l’on entendait des petits cris d’admiration, les oh ! Et les ah ! des stupeurs effrayées. — Celui-ci, c’est Baptiste, un jeune crocodile de vingt et un ans, cria-t-elle, en tirant un saurien d’une couverture, et elle le mit sur sa gorge, lui tapa les mâchoires, les lui ouvrit de force, montrant au public une large gueule mal piquée de crocs. Puis, elle rejeta le tout par terre, et, tandis que le tas grouillait et se mouvait, rentrait dans ses caisses, elle salua la société, se rassit et regarda en l’air, appuyée sur son coude, anonchalie et comme écœurée par les hommages qu’on lui décernait.

— C’est vraiment épatant, disait Céline, avez-vous vu comme le serpent boa lui caresse les joues ? Dieu ! que ça me dégoûterait une bête comme celle-là sur la peau ! Mais Colombel riait, prétendant au contraire que ça devait pro-