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avec l’autre, mais elle était tout de même attrayante avec sa margoulette rose, ses prunelles raiguisées, son nez au vent, ses allures effarouchées et prudes. Elle était avec cela propre comme un petit sou. Ses cheveux étaient bien peignés, son jupon n’était pas retenu par des épingles, sa camisole n’avait pas de plaques de colle ou de graisse, ses brodequins même, qu’il aperçut un moment, étaient bien usés, mais ils avaient encore bonne contenance, les attaches étaient raccommodées, aucun bouton ne manquait, et la jupe du dessous qui passait sous la robe, lorsqu’elle se croisait les jambes, était blanche et sans crotte.

Elle devait aussi avoir de l’ordre puisqu’elle ne déjeunait pas dans les crémeries, et c’était une fille qui, tout en ayant de la tenue, n’aurait pas fait des bêtises pour du linge, puisqu’un employé de chez Crespin en tournée ne lui réclama l’argent d’aucun bon. C’est à peine si, dans l’atelier Débonnaire, elles étaient deux ou trois qui ne fussent point abonnées à cette maison. Toutes les semaines, le receveur arrivait avec un livre noir à tranches jaunes sous le bras, une casquette argentée sur le chef, une tunique à collet bleu et à boutons blancs, ornés d’une levrette, emblème de la fidélité, et il inscrivait les sommes versées sur son livre à souche et sur le petit carnet rouge