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tu donnes du vin à ton grand-père, je le dirai à ta mère, et tu verras !

Chaudrut rentra plus amoiqué et plus larmoyant que jamais. Il posa le litre devant lui, le considéra en hochant la tête et, paraissant surmonter un invincible dégoût, il avala une gorgée. — La petite buvottait son vin. — Il craignit qu’elle n’achevât sa bouteille, et, n’y tenant plus, il murmura : — Dis donc, chérie, tu vois grand-père, il est pas heureux, tu ne voudrais pas lui laisser une petite goutte pour son dessert ?

— Si ce n’est pas honteux, s’écria la contre-maître, un homme de cet âge qui carotte une enfant ! C’est dégoûtant !

— C’est-il ma faute à moi, pleura le vieux, si je n’ai pas le sou ?

— Oui, c’est de votre faute ! exclama véhémentement la mère Teston, si vous ne vous étiez pas soûlé, toute la semaine, vous auriez de quoi boire aujourd’hui !

— Oh ! Là, dites donc, reprit Chaudrut qui, certain maintenant de ne rien obtenir, devint insolent ; vous ne plaignez pas les autres, parce que vous venez de vous le laver, votre tuyau à opéras ! Merci, en voilà un genre de débiner le monde ! Vous vous en fourrez dans le coco du lapin et du vin à treize. Où donc, sans indiscrétion, que vous logez tout cela, maman ? pour ava-