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Le tout était de trouver l’homme qui pût remplir ces conditions. — Certes, depuis qu’elle avait atteint l’âge de puberté et même avant, les amoureux n’avaient pas fait défaut. — Elle avait une frimousse tentante, elle avait surtout cette allure qui friponne, si plaisante chez les jeunes femmes, mais aucun de ses prétendants ne lui avait plu, de jolis séducteurs qui la fréquentaient après s’être enfourné des canons et qui avaient encore des stalagmites vineuses aux moustaches quand ils se rengorgeaient et montraient leurs dents !

— Tu es trop ambitieuse, tu finiras mal, lui disait sa sœur, et la petite, qui se regardait dans une glace, mirait complaisamment sa roseur friande, se dandinant un peu, se donnant de petits coups sur les cheveux, pour les faire bouffer.

— Tiens, pourquoi donc pas, répondait-elle, je ne suis pas plus mal qu’une autre peut-être, j’ai bien le droit d’avoir de l’ambition.

— Elle était soutenue en cela par son père, qui ne tenait pas à la marier. — C’était elle surtout qui s’occupait du ménage, aussi la contemplait-il, d’un air attendri, murmurant : — C’est de l’or en barre que ma fanfan, ce n’est pas moi qui la forcerai jamais à épouser un homme dont elle ne voudrait point. Je ne suis pas un père dénaturé, et comme s’il croyait ou voulait faire croire que des parents avaient la puissance d’obliger