Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/43

Cette page a été validée par deux contributeurs.

seule et chacun pleura en deux mots émus l’infortune de cette malheureuse enfant.

Vatard, lui, doutait que l’histoire fût vraie. — C’est la police, dit-il gravement, on veut détourner l’opinion publique.

— Ou ce sont les Jésuites, reprit à voix basse madame Teston, qui était un esprit fort. Les jeunes filles, elles, croyaient que c’était arrivé.

Mais ce qui apitoyait le plus la femme Teston, ce qui rendait l’histoire plus horrible et plus intéressante, c’était moins le cou dépecé de l’enfant et l’outrage qu’elle avait subi, c’était ce pantalon qu’une main brutale avait arraché et qui laissait voir son pauvre petit ventre à nu. — Elle s’extasiait sur ce pantalon, disant que bien sûr c’était la fille d’un riche, d’un prince ou d’un duc ; ces hommes-là sont si vicieux, il n’y a qu’à lire des romans pour être renseigné là-dessus !

Désirée mit une cuiller dans chaque verre et versa le vin qui se frangea d’écume rose au bord. Ils trinquèrent tous ensemble et entre deux gorgées la maman Teston ajouta : — Quand on pense que nous avons été exposées à ça, lorsque nous étions enfants !

À ce moment, la pluie se mit à tomber de nouveau, les vitres crièrent sous la poussée du vent. — Il est onze heures, dit Teston, il va falloir partir. Sa femme remit sur son dos ses hardes à