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Le crépuscule commençait à couler lentement dans l’atelier. Au travers des vitres troubles, un jour pâle et fané s’épandait sur les tables, déferlait dans l’ombre des coins, se mourait, en un dernier éclat, sur un lit de rognures jaunes.

Aux objurgations de la contre-maître qui se désolait de les voir ainsi flâner, les ouvrières, réunies en cercle et baguenaudant, répondirent qu’elles n’y voyaient plus.

Alors on héla un homme qui vint avec son rat-de-cave et tous les gaz flambèrent, jetant le rire de leurs feux dans cette pénétrante tristesse de la nuit qui venait.

Chacun retourna s’asseoir.

— Alors, c’est pour samedi prochain le mariage ? fit la contre-maître.

— Oui, madame, répondit Désirée.

La contre-maître pencha le nez sur son ouvrage et se posa tout bas cette question, qu’elle n’avait jamais pu résoudre depuis trente années qu’elle travaillait dans la brochure :

— Les filles qui font la noce sont presque toujours de détestables ouvrières ; celles qui ne la font pas, gagnent de bonnes journées, mais elles se marient et deviennent pis que les plus mauvaises, puisqu’elles ne viennent plus du tout. Comment faire ? Et elle ajouta, en réenfilant son aiguillée de coton : encore une fine couseuse de