Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/312

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Cyprien persistait à regarder la salle. — Deux, trois, cinq personnes, rentrèrent. Toute une ribambelle de fillettes et d’ouvriers franchit bientôt le seuil, des bataillons serrés s’avancèrent enfin. La salle se réemplit. Céline ne revenait pas. Le peintre se tournait sur son siège, se persuadait qu’elle avait rencontré des camarades d’atelier et qu’elle jabotait avec elles dehors. Le spectacle reprenait. L’équipe lamentable des musiciens était assise dans sa baignoire et s’agitait. Cyprien commençait à s’inquiéter. Il eut peur que Céline ne se fût trouvée mal ; il resta, pendant quelques minutes encore, n’y tint plus, sortit, hué par les gens qu’il dérangeait. Il s’enquit auprès des garçons de bureau des ministères qui surveillent à l’entrée, le soir, la distribution des places et des bocks, s’ils n’avaient point vu une femme bâtie et habillée de telle et telle façon. Ils lui rirent au nez. Il s’avoua que sa demande était idiote, que ces gens n’avaient pu remarquer Céline plutôt qu’une autre. Alors il se posta dans la rue, vagabonda sur le trottoir, descendit jusqu’au bal des Mille-Colonnes, regarda chez le pharmacien, ne vit qu’un potard qui somnolait, le nez sous des besicles et sur un livre, s’attarda devant les Îles-Marquises, une abominable turne que Céline prisait, une boutique lugubre avec ses chaînes d’escargots vidés et ses paillasses à huîtres, remonta