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à son tour, sa maîtresse, avec des lèvres humides et des yeux goulus.

Le chapelet de sottises continuait à s’égrener sur la scène. Des hommes succédaient aux femmes et des femmes aux hommes, et les unes entraient à gauche et les autres à droite. Placés comme ils étaient, Cyprien et Céline assistaient aux misères des costumes, aux défilés des gants défraîchis, des poches éculées, des souliers de porteurs d’eau sous la tenue de bal. Toutes les imperfections, tous les vices des têtes : les yeux éraillés, les joues gravées par la petite vérole, les cicatrices, les bouquets d’herpès aux coins des lèvres, les chairs flasques, les bras canailles, les attaches infamantes des chevilles s’étalaient devant eux, mal dissimulés par la plaque et la sauce des fards, par les bas cotonnés, par les tournures armées de baleines et bardées d’ouate.

L’entr’acte vint, les trombones séchèrent. Céline s’assura par un coup d’œil qu’Anatole n’était plus à son poste. La toile tomba. — Attends-moi, je reviens, dit-elle au peintre qui par discrétion ne la suivit pas. Elle se faufila dans la multitude qu’éjaculaient les portes. Anatole était là.

— Ô nature ! un enlèvement, cria-t-il, en v’là un chic d’aristo que je me donne ! — Céline lui prit le bras et ils descendirent au grand galop, la rue.