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frappa et lui fit espérer qu’elle abrégerait son supplice.

— Ce n’est pas très drôle, murmura-t-il ; mais aussitôt elle affirma, craignant qu’il ne voulût partir, qu’elle s’amusait beaucoup. — C’est curieux, reprit-il, tu n’as pourtant pas l’air réjoui. — Alors, elle se pencha à son oreille et lui dit tout bas, quelques mots, en rougissant.

Il fit : — Ah bien ! Ce ne sera pas long, tu pourras sortir à l’entr’acte.

Elle chercha à se donner une mine satisfaite et à se tortiller, de temps en temps, comme une personne qui s’amuse, mais n’est pas très à son aise.

Cyprien se remit à goûter à une chanson étonnante dont une dame ravageait les strophes aux acclamations de la foule. Céline trouva que l’entr’acte ne venait pas assez vite ; maintenant elle bouillait, elle avait hâte de briser ses liens. L’instant d’hésitation qui l’avait prise, en quittant l’atelier du peintre, était passé. L’histoire de l’ail lui revenait et elle savourait sa vengeance, aspirait au moment de l’accomplir. Elle eut alors un raffinement de cruauté ; elle serra la main de Cyprien, le regarda avec des yeux noyés, de même qu’une femme qui aimerait éperdument un homme et aurait hâte d’être seule avec lui. Le peintre reçut une secousse dans l’échine et il fixa,