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mure d’embêtements, s’il refusait de s’attendrir !

Mais Céline, sans se défendre, lui jetait des regards implorants, puis elle eut une rapide étincelle dans les yeux. Le souvenir de la dernière insulte que Cyprien lui avait infligée, revint en mémoire et la crispa.

Un soir qu’ils étaient couchés, le peintre avait reniflé et fait la grimace. Il regarda Céline d’un air drôle, mais il ne souffla mot. Étonnée, elle exigea une explication ; alors il dit : Tu as donc mangé de l’ail ? ça infecte dans le lit ! — Cette observation l’avait plus cruellement blessée que toutes les ripostes aigres, que tous les mots piquants dont il l’avait souvent cinglée. — Je ne puis pourtant pas faire autrement, s’écria-t-elle ! À la maison on larde les gigots d’échalote et d’ail ; le père les aime ainsi. Je ne peux cependant pas me priver de dîner parce que j’ai rendez-vous avec toi, le soir. Cyprien ne disconvenait point qu’elle n’eût raison de manger du gigot, mais enfin, lui, ne pouvait sentir ces parfums-là. Ce fleur âpre, échauffé par l’haleine et décuplé par la chaleur des couvertures, lui soulevait le cœur. La rancune de Céline se ravivait chaque fois qu’elle songeait à cette nuit. — Anatole considérait, sans y rien comprendre, les feux de colère qui flambaient sur ses pommettes. — Le moment lui sembla venu, il se résolut à battre atout. — Eh