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qu’il avait été grossier, que c’était elle et non pas lui qui pouvait se plaindre.

Céline voulut arrêter ces effusions qui menaçaient de ranimer toute leur tendresse mal assoupie.

Ils se dévisagèrent en silence, mettant dans leurs regards, toute leur affection, toute leur pitié.

— J’espère que vous serez bien heureux avec elle, balbutia Désirée.

Il lui serra la main par-dessus la table et, la remerciant, il lui souhaitait à son tour toute sorte de bonheurs.

Céline se taisait, très émerveillée. Jamais elle n’avait vu de rupture s’effectuer pareillement, sans injures et sans tapes. Comme vous êtes gentils, criait-elle, en joignant les mains, et tous deux, l’un devant l’autre, se souriaient, le cœur gros. Auguste eut hâte de s’enfuir. Il commençait à suffoquer. Désirée de son côté tremblait et faisait tous ses efforts pour ne pas pleurer. Ces souvenirs qu’ils avaient remués leur jetaient la désolation dans l’âme. — Allons, dit Céline, allons, voyons, Désirée, il faut que nous retournions pour préparer le déjeuner. Ils se levèrent et, dans la rue, sans dire mot, il lui tendit la main, mais elle offrit ses joues et ils s’embrassèrent vivement et s’enfuirent, pris d’une immense