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pas leur faire de crédit ; et elle partait furieuse, et des disputes éclataient dans la cour, surtout lorsque Chaudrut sortait.

Le patron le menaçait chaque samedi, cependant, de le congédier si toutes ses esclandres ne cessaient pas. Grâce à ce flibustier, il ne pouvait plus entrer chez un marchand de tabac sans qu’aussitôt des imprécations ne s’élevassent, et qu’on ne le suppliât de forcer Chaudrut à payer ses dettes accumulées de cassis et d’absinthe.

Il en était réduit, pour éviter toutes ces algarades à acheter son tabac et ses cigares dans un quartier autre.

Chaudrut lui répondait invariablement d’ailleurs : C’est ma souris qui me mange tout, je suis un pauvre vieillard, je n’ai pas de caractère, je le sais ; mais, dès que mes affaires seront en ordre, je ferai mon possible pour payer le monde.

Par bonté d’âme ou par faiblesse, le patron feignait de le croire, et, bien entendu, ces affaires ne s’arrangeaient jamais. Chaudrut était libre du reste de les laisser telles quelles, son salaire ne pouvant subir de retenues puisqu’il travaillait à ses pièces et ne recevait pas d’appointements fixes.

En attendant, la contre-maître rangeait en bataille les colonnes de ses additions ; une ouvrière se précipita dans le magasin criant : Il