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plein les bouches. Il s’acagnardait maintenant chez eux, lutinait Irma, la belle-sœur de son ami, une petite folle qui chantait à tue-tête, gaminait ou cousait, le taquinait sur son air chagrin, était, quelque temps qu’il fît, d’humeur également réjouie.

Cette tiédeur de bien-être, cette entente contre la misère, cet amortissement de toutes les idées tristes, l’affermissaient dans sa volonté de se créer enfin un chez-soi. Le mariage qu’il ne comprenait jadis qu’avec Désirée pour femme, il le convoitait aujourd’hui pour le mariage lui-même. Son amoureuse ne se présentait plus naturellement à sa pensée, quand il songeait à cette fin tant de fois enviée. N’ayant sous les yeux d’autre fille honnête et tentante que la petite Irma, il l’associait nécessairement à ses projets d’avenir, se disait qu’après tout elle remplissait aussi bien que Désirée les conditions requises pour lui rendre la vie agréable et douce.

Comme figure elle était même plus jolie, plus fraîche que l’autre ; mais, malgré tout, la fille de Vatard lui plaisait davantage. Il en convenait, puis il devenait très philosophe, se consolait avec ce proverbe mélancolique : lorsqu’on n’a pas ce que l’on veut, l’on prend ce que l’on a. Et il était assuré d’avoir s’il le voulait. Son ami lui avait, un jour, laissé clairement entendre qu’il ne dé-