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Cette peinturlure exécutée sans habitude et sans goût la fit ressembler à une femme sauvage. Le peintre se mit à rire quand, rentrant, il la vit ainsi bigarrée ; elle se fâcha, se mit à pleurer et elle s’essuyait avec ses doigts, écrasant les couleurs sur ses joues, barbouillée et grotesque, les mains tachées, les lèvres fraîches, malgré tout, dans ce gâchis de boue rose.

Alors elle désespéra de réduire cet homme. Il était cependant devenu plus bénévole et plus patient. Pourvu qu’elle ne gémît ou ne criât point, il s’estimait heureux. Une sincère commisération lui était venue pour Céline ; seulement il s’aperçut au bout de quelque temps qu’il avait tort de n’être plus sur le qui-vive. Céline avait un cœur d’or, mais elle avait besoin d’être mâtée ; ne sentant plus sa laisse, elle redevint comme naguère, plus turbulente, plus rebiffée.

Cette sorte d’amitié craintive qu’elle éprouvait pour le peintre commençait à tourner d’ailleurs. La fierté qu’elle avait eue à posséder pour amant un monsieur bien s’était évanouie. L’attrait d’un amour nouveau était perdu. Elle pensait maintenant aux fêtes de ses vieilles liaisons ; les jours de tumulte, quand, après avoir jappé aux oreilles du peintre, elle râlait à bout de voix, affolée par son silence et son mépris, elle revenait à Anatole.

Cet homme qui l’avait si profondément blessée