Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/245

Cette page a été validée par deux contributeurs.

assez bien sa vie dans la brochure, que ce serait folie que de se lancer dans les hasards d’un autre métier.

Quant à Désirée, ses pensées étaient moins tourmentées et moins âcres ; elle glissait peu à peu à une sorte de langueur et d’apaisement. — Le boulevard St-Michel, qui l’avait amusée d’abord avec son luxe d’étalage et son bruissement de foule, l’ennuyait maintenant. Le coup de fouet donné aux rendez-vous par la mauvaise volonté de Vatard ne la cinglait plus ; depuis qu’il la laissait sortir, elle devenait douillette au froid, sensible au vent, inexacte aux réunions, y allait quelquefois très en avance, prise soudain d’impatience et d’un besoin de marche, presque toujours comme accomplissant un devoir qui s’imposait, très en retard.

Les jours trempés de brume, elle ne dépassait pas, ainsi qu’ils étaient convenus, la boutique du marchand de vins ; mais les jours où les pavés sont secs, où le vent pique et invite aux courses, elle ne venait plus retrouver Auguste près du quai.

Quinze jours s’écoulèrent, quinze jours où, heures par heures, il pouvait suivre les nuances dégradées d’un courage qui fuyait ; elle descendait jusqu’à mi-côte le boulevard St-Germain ; un jour, ne franchissait pas le coin du boulevard