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personne non déguisée n’oserait pas se montrer dans la rue avec ; puis, elle contemplait les devantures étincelantes des cafés, les femmes peintes qui s’agitent aux tables, les marchands d’écrevisses et de bouquets, la grosse mère qui crie le plaisir, les bandes imbéciles des étudiants qui braillent, les mendiantes qui charroient des enfants trouvés et regardent, d’un air ahuri, la dorure des glaces.

Tout ce mouvement, tout ce bruit, la divertissaient ; elle musait, les yeux grands ouverts, ne marchait réellement qu’une fois arrivée devant les grilles du jardin de Cluny, était prise régulièrement de pitié pour la sentinelle en faction, sous la voûte obscure des Thermes.

Un soir, elle fut suivie par des jeunes gens qui, n’ayant probablement rien à boire, emboîtèrent le pas derrière elle et lui débitèrent des galantises. Elle accélérait sa marche, se défendant de leur répondre ; dès qu’ils aperçurent Auguste, mélancoliquement planté au tournant du quai, ils se retirèrent ; mais la petite qui, ainsi que toutes les femmes, n’était pas fâchée au fond d’être suivie, le fut moins encore, cette fois-là. Auguste pouvait voir que des jeunes gens du monde la jugeaient assez jolie pour la vouloir séduire. Cela ne faisait pas le compte du jeune homme qui maugréa tout bas, pensant qu’elle aurait bien dû