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de sa profession, il possédait du moins une grande qualité : celle de ne faire que très rarement le lundi et de n’être ni indocile ni rude ; puis ses amours avec la petite l’avaient rendu intéressant. Personne n’ignorait le refus de Vatard et tout le monde lui donnait tort ; non seulement les personnes peu scrupuleuses, mais encore les gens honnêtes comme la mère Teston et la contre-maître. Elles auraient eu une fille à marier qu’elles ne l’auraient probablement pas donnée à Auguste ; mais n’étant pas directement intéressées à la question, elles s’étonnaient qu’un père eût le cœur assez dur pour faire ainsi languir des amoureux. Un vieux fonds de romans et de chansons s’apitoyant sur les malheurs des couples qui s’aiment, surgit en elles, sans même qu’elles en eussent conscience. Le sentimentalisme pleurnichant du peuple se fit jour ; Vatard devint un monstre ; au besoin on eût aidé Auguste à le tromper.

L’on ne fut donc pas surpris qu’il jabotât pendant des heures, le matin, avec Céline qui servait d’intermédiaire, donnait des nouvelles de Désirée au jeune homme, expliquait qu’on lui avait mis un emplâtre sur l’estomac, qu’elle allait bien, qu’elle pourrait prochainement sortir et racontait à sa sœur, le soir, qu’elle avait vu Auguste, qu’il était très malheureux de