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vous ; il pensait tout de même qu’il était bien Joseph, que d’autres, à sa place, auraient été moins patients ; il essayait pourtant de se convaincre qu’aimant la petite comme il l’aimait, si elle lui avait cédé, ça n’aurait plus été la même chose ; il lui sembla que, s’il la possédait davantage, les baisers qu’elle lui laissait prendre auraient moins de goût.

En dépit de toutes ses précautions et de tous ses raisonnements, il la désirait charnellement, irrité par ces impossibilités de la voir et de causer, seul à seul, avec elle.

Désirée souffrait autant que lui, et, un soir, à bout de force, elle se serait abandonnée, s’il n’avait hésité et s’il n’avait eu peur au dernier moment.

Il l’avait enfin déterminée, après de longues instances, à venir dans une chambre d’hôtel qu’il avait louée pour deux heures. Elle se défendait encore d’y aller, appréhendant un malheur ; mais il bruinait et les débits de boissons débordaient. Elle se laissa entraîner ; — elle avait envie de pleurer en montant les marches. Quand ils entrèrent, Auguste déposa, sur une table ronde et plaquée de marbre, des biscuits et du vin. Le garçon leur apporta deux verres. Désirée s’assit près de l’âtre et elle se ratatina, se fit petite, la tête basse, les pieds juchés sur les bâtons de la chaise.