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elle ne pouvait s’en payer une comme celles qu’elle avait vues au Bon Marché, c’était trop cher ; elle achèterait tout bonnement de la vigogne à quarante-neuf sous le mètre ; il lui en fallait huit mètres sur un mètre vingt de large ; pour éviter des frais de galons et de passementeries, elle se contenterait de faire des plissés avec la même étoffe ; et, joyeuse, elle comptait sur ses doigts, les yeux au plafond, l’air méditant et idiot.

Un flot de paroles lui jaillissait des dents ; elle étourdissait Cyprien avec son caquet de la rue, avec une profusion de détails qu’elle bavait à propos du corsage. Il regretta presque le bon mouvement qui l’avait amené à ouvrir son tiroir ; un soir, il n’y tint plus ; il envoya sa maîtresse à tous les diables !

Ces scènes se renouvelèrent. Après de nombreuses courses dans les magasins et des marchandages sans merci, Céline découvrit que sa robe lui reviendrait encore à un prix plus élevé qu’elle ne l’avait cru. Ce fut surtout alors qu’elle déversa sa bile sur toute la maison, sur son père, sur sa mère, sur sa sœur. Sa mère ne s’en aperçut même pas ; Désirée, qui avait la tête à bien autre chose, ne s’en émut guère ; seul, Vatard reçut en plein le fouet des douches. Il se résumait ainsi la situation :

— J’ai deux filles ; il y en a une qui ne veut