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amours populacières de sa sœur et d’Auguste.

Un jour, à l’atelier, elle avait négligemment retroussé sa robe pour faire voir les bas de soie que Cyprien lui avait donnés et les envies sourdes de ses camarades l’avaient charmée. Seulement, celles-ci s’étaient vengées à coups de langue, blaguant ses robes, ses cravates, qui n’étaient plus fraîches : — Tout ou rien, disait l’une. — Quoi que ça veut dire, criait une autre, des montants de soie dans de vieux ripatons ! Et Céline se répétait : il faut pourtant que je me fasse offrir une robe par mon homme. — Ah ! c’était vexant ! Il aurait bien dû lui éviter la honte d’une requête ! Oui, mais il n’avait même plus l’air de s’apercevoir qu’elle était mal mise.

Un beau soir, elle appela tout son courage à son aide, et, balbutiante, elle laissait tomber : J’ai attendu, je ne voulais pas, ça m’ennuie bien, va, mais tiens, vois pourtant, le bas s’en va, elle craque aux coudes et sous les bras ; il y a si longtemps que je la porte ! Et puis, je n’ai pas d’argent, c’est la morte saison, on fait des semaines de rien !

Il la mena devant son tiroir, l’ouvrit et partagea avec elle les trente francs qui lui restaient. Elle lui sauta au cou et entra dans de longues explications sur sa robe. — Tout bien considéré,