Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/218

Cette page a été validée par deux contributeurs.

il lui criait : Halte ! — Elle restait comme une hébétée, droite, sans grâce. Alors il remettait son carnet en place, disant d’un air découragé : Va, ma fille, tu peux remuer ; je t’ai dérangée pour rien.

Généralement, la querelle s’envenimait et Céline, devenue bruyante, lui jetait à la face tous ses ennuis, toutes ses rancœurs, lui reprochait de n’être plus comme après les premiers jours de leur liaison, et il avait l’impudeur d’en convenir ; elle se montait peu à peu la tête et versait des grossièretés. Alors, il la regardait de travers, éprouvant de grandissantes envies de la mettre dehors ; puis, avec une lâcheté des sens, une peur d’être contraint à aller quêter au dehors l’amour qu’il avait chez lui, avec l’habitude prise d’avoir, entre ses quatre murs, quelque chose qui remuât et fît du bruit, il se taisait, dévorant silencieusement ses rages. Elle était exaspérée d’avoir un pareil amant, mais elle tenait à lui malgré tout ; il lui imposait un peu et elle avait un quasi-respect pour sa tenue de ville, ses mains blanches, les draps de fine toile de son lit. Elle respirait, dans ce logement, une certaine senteur d’élégance qui la rendait fière. De bonne foi, elle se considérait comme très supérieure à toutes ses compagnes et elle n’avait plus qu’une pitié hautaine pour les