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et plus nombreux. Le personnel était au courant de toutes ces misères. Les femmes donnaient généralement tort au contre-maître ; les hommes qui l’exécraient convenaient volontiers qu’il se conduisait comme une canaille, mais, au fond, ils étaient ravis des humiliations infligées au singe.

Bref, après avoir battu la capitale, en quête d’un ouvrier qui avait servi naguère et pendant plus de dix années, dans ses magasins, le patron l’avait découvert, et il avait pris sa revanche, en flanquant du même coup à la porte le contre-maître et son fils.

Céline, lancée dans son histoire, avait eu de l’éloquence, des éclairs dans les yeux, des gestes. — Avec des mots, elle faisait voir la tourbe des brocheurs s’agitant, dessinait d’un coup d’adjectif la silhouette du contre-maître, la figure du patron, faisait assister à leurs débats, à leurs colères, montrait tout l’atelier, l’oreille au guet, s’éjouissant et se rigolant à ces éclats. — Ça y est, s’écria l’auditoire, c’est nature ! Et le peintre avait paru charmé, il avait emmené, le lendemain, sa maîtresse en promenade ; il l’avait enfin traitée convenablement, comme une grande personne.

Céline se dit qu’elle avait été probablement très drôle sans le savoir, et elle voulut recommencer.