Page:Huysmans - Les Sœurs Vatard, Charpentier, 1880.djvu/202

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rire l’un à côté de l’autre, aux couplets blafards d’un concert, rentrer ensemble par des chemins allongés exprès. Ce rêve les obsédait et quand, après avoir épuisé la phraséologie des caresses, ils déploraient en de monotones complaintes l’ardeur inassouvie de leurs vœux, ils ne tarissaient plus. Le quartier de la Gaîté leur sembla autre qu’il n’était. Vu au travers de leurs désirs, il devint pour eux une terre promise, un paradis d’enchantement et de joies. — Il n’y a pas, il n’y a pas, disait Auguste, il faut absolument que tu découvres un joint pour être libre, un jour ; en attendant, ils lantiponnaient, bras dessus, bras dessous, et récitaient à mi-voix, au fil des murailles, les litanies balbutiantes des tendresses. Un soir, la rue ne fut plus à eux seuls. Un autre couple marchait à petits pas, et il prit l’habitude de venir régulièrement, dès que la nuit tombait. D’un commun accord, et sans dire mot, chaque paire d’amoureux errait sur un trottoir différent et afin d’être plus isolé allait en sens inverse, Auguste et Désirée remontant vers la rue des Fourneaux tandis que les autres descendaient du côté de la rue Vandamme.

Ils faisaient ainsi la navette et lorsque, revenus à leur point de départ, ils s’arrêtaient, puis, se tournant le dos encore, reprenaient le vice-versa de leur marche, les gazouillis, les soupirs d’un