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digestions. Assis devant la soupe, n’ayant autour de lui que des regards larmoyants ou hostiles, il s’affaissait sur lui-même, furieux et craintif, laissant s’embourber sa cuiller dans la soupe qui se figeait.

Alors que le veau mal cuit saignait sur un lit de carottes, il était envahi par de bondissantes colères que la mine hargneuse de Céline lui faisait rentrer. Le soir, il demeurait seul ; la mère Teston même ne le visitait plus, et, après deux pipes silencieusement fumées, il couchait Eulalie, et, revêche, bâillait jusqu’à dix heures.

Puis, un beau soir, la situation empira. Céline revint de ses escapades avec des gestes de folle, bouleversa tout, jeta les portes, ferma les croisées à coups de poings, fut à ne plus oser toucher avec des pincettes. Vatard crut que sa réponse aux propositions qu’elle lui avait soumises d’unir Désirée avec Auguste était cause de ces bourrasques. En cela, il se trompait encore. Céline était bien assez ennuyée pour son propre compte, sans persister encore à prendre comme elle l’avait fait jusqu’ici la défense de sa sœur.

Elle avait revu Anatole. Celui-ci n’avait pas emporté d’assaut la fillette qu’il comptait réduire. La malheureuse l’ayant congédié à temps, il regretta de n’avoir pas giflé Céline, le soir où il