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des huées des autres ouvrières, puis des larmoiements de femmes mûres criant : Est-elle bête de suivre un homme qui la bat ! c’est moi qui le ficherais en plan ! et elles-mêmes arrivaient, le lendemain, avec un pochon ou des ravines sur le visage et défendaient énergiquement leur maître alors que les autres le traitaient de brigand et de lâche ! — et les histoires et les cancans pleuvaient. — Une telle courait comme une chienne après un homme qui se moquait bien d’elle, pleurnichait pendant toute la journée, sur son ouvrage, et finissait par se crêper la tignasse avec une camarade assez malhonnête pour lui avoir pris son amant et assez taquine pour la braver. — Avec toutes ces parlottes envenimées par la bêtise, avec toutes ces haines qui prenaient feu au frottement des hommes, c’était miracle qu’il restât, au bout de quelques jours, dix ou douze des mêmes ouvrières. — La passoire Débonnaire ne se bouchait pas et, comme un ruisseau d’eau sale, tout son personnel de femelles et de mâles clapotait et fuyait par le trou des portes.

De la gouape ! disait sentencieusement le contre-maître, un mal bâti, laid jusqu’à l’horreur, avec sa face livide, tigrée de petite vérole, et ses touffes de sourcils embroussaillant un œil crevé qui roulait, laiteux, dans une paupière rouge. — Les coquines ! Soupirait la contre-maître, une