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puis elle était comme toutes les femmes qui, n’ayant plus rien à envier pour elles, s’intéressent aux affaires des autres, aiment à se mêler de ce qui ne les regarde pas, barbotent dans les écheveaux embrouillés, les embrouillent davantage et s’efforcent d’autant plus de les démêler qu’elles n’y ont pas d’intérêt sérieux.

Tout bien considéré, il eût peut-être été plus sage de laisser Auguste se morfondre sans rendez-vous, pendant des mois ; mais, d’un autre côté, la petite pouvait devenir quasi folle, le rejoindre quand même et culbuter. Le baiser qu’elle venait d’offrir l’inquiéta. — Elle conclut que mieux valait en finir, emmener Auguste, lui poser carrément la question, se débattre ensuite contre son père.

Elle avait l’air si étrange lorsqu’elle l’aborda, qu’Auguste craignit un malheur et la rejoignit aussitôt, dans la rue. Ils ne dirent mot sur le trottoir ; alors Céline le mena chez un marchand de vins et là, épaulés contre des lauriers en caisse, ils se regardèrent d’un air assez embarrassé, tout en tournant avec une cuiller de fer battu le barège de leur absinthe.

Malgré son assurance, Céline ne savait trop comment tenter l’abordage. Elle prit des chemins de traverse, parlant de la petite fille qui était à l’atelier, disant que c’était bien gentil les en-