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Auguste était aussi très ému ; il l’embrassa doucement, et, comme le baiser se prolongeait, Désirée, rouge comme une cerise, se sauva jusqu’à sa place et répondit que les oreilles lui cuisaient quand la contre-maître s’informa de ce qu’elle avait bien pu faire pour avoir ainsi le sang à la tête.

Céline avait suivi toute la scène des yeux. Elle se demandait toujours s’il fallait brusquer les choses ou les laisser aller ; elle se demandait encore si, avant de parler mariage avec Auguste, il ne vaudrait pas mieux consulter son père. Depuis qu’elle était arrivée à prendre d’assaut son peintre, toutes ses humeurs, toutes ses lubies avaient disparu et elle était pleine d’indulgence pour les amours de sa sœur. Autant les couples heureux l’avaient fait jadis sauter de rage, autant, maintenant, ils lui paraissaient mériter qu’elle s’y intéressât. Auguste ne lui plaisait toujours pas beaucoup ; il avait quelque chose de timide et de froid qui la gênait. Il manquait de rigolade et d’entrain, mais en fin de compte, elle n’avait aucun grief à lui reprocher ; il s’était même toujours conduit honnêtement avec elle, soldant ses consommations aussi bien que celles de sa sœur, lorsqu’ils se trouvaient ensemble. Il avait soutenu Désirée quand elles étaient en bisbille ; mais c’était naturel, chacun défendant son bien ; et