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qui sanglait sa blouse, elle s’enquit auprès de lui des motifs qui avaient fait pousser ainsi la paupière d’Auguste. Il déclara sur les cendres de sa défunte ne rien savoir ; elle n’apprit la vérité qu’une fois dans la cour.

Le marchand de rognures était venu ; le contre-maître avait fait l’appel des hommes et toute l’équipe était descendue dans la soute aux vieux papiers. Auguste était avec les autres. Quand on fut en bas et qu’on eut ouvert la porte de cette cave, le jour ne filtrait que par un soupirail sur le gigantesque amoncellement des rognures qui ressemblaient sous cette lueur jaune à un formidable monceau de choucroute frisée et blonde. Le père Potier s’écria qu’une lanterne était insuffisante et qu’il tenait à voir la qualité des marchandises qu’il achetait. Alors Auguste était remonté avec Alfred pour chercher d’autres lumières. Il devait de l’argent à ce copin. Celui-ci, le matin, tout en étouffant son pierrot de vin blanc, avait tiré de sa poche huit ou neuf bouchons et il s’était dit : nom d’un bonhomme, on a rien bidonné, depuis hier au soir ! Autant de chopines mortes, autant de bouchons qu’il resserrait, — c’était l’étiage de ses crues. — En attendant, il était sans le sou et son ivresse devenait mauvaise. Il réclama à Auguste, qui avait trente-cinq centimes en poche, les deux francs qu’il lui avait prêtés pour conduire Désirée