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larmes dans les cils ; la contre-maître, très apitoyée, la prit dans les bras, la mit sur ses genoux et, tricotant des jambes, elle chantonnait : À dada, sur mon bidet, prout, prout, prout cadet ! — La petite battait des mains et criait : Encore ! Et quand la contre-maître, essoufflée, la remit à terre, elle lui tirait sa pèlerine, la priant de lui faire toujours à dada. La mère eut un regard de folle et, se précipitant sur sa fille, elle l’enlaça, la baisa éperdument. La petite se remit à pleurer ; alors la grosse Eugénie la fit danser en rond avec elle et, embrassant ses menottes, elle disait : C’est pas avec des pauvres petites mains comme celles-là qu’elle pourrait travailler ! Vrai, on n’y peut pas songer, ce serait un crime !

Tout le monde branla le chef en signe d’approbation. Enfin la contre-maître, après avoir consulté le patron qui ne s’y opposa point, dit à la mère que c’était une affaire entendue, qu’on aurait bien soin de l’enfant, qu’elle pourrait l’amener tous les matins, et venir la chercher tous les soirs. La pauvre femme murmura : Pauline, dis merci aux dames ; — mais Pauline avait pris peur et se cachait la tête dans les jupes de sa mère. — Alors, pendant qu’une ouvrière l’alléchait avec un morceau de sucre, la femme s’en fut doucement, la tête baissée, bégayant des mercis, avalant ses larmes.