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dant, c’était de se mettre sous la bâche, comme le disait élégamment sa sœur alors qu’elle était d’humeur gaillarde ; mais elle eut beau se tourner le nez contre le mur, faire de subites volte-face de l’autre côté, s’étendre en long, se contourner en chien de fusil, pousser des soupirs, des ho, des ha, bâiller, les mêmes idées lui trottaient par la cervelle, le sommeil ne venait point.

Sur ces entrefaites, la clef tourna dans la serrure et Céline entra.

Depuis une quinzaine de jours les deux sœurs causaient peu ; quelques mots, le soir, en se couchant, quelques mots, le matin, en enfilant leurs bas, et c’était tout. Mais ni l’une ni l’autre n’avait envie de dormir cette nuit-là, elles grillaient au contraire du désir de causer ; elles reprirent leurs conversations d’autrefois comme si toutes les rancunes et toutes les querelles qui les divisaient avaient pris fin.

Céline était d’ailleurs dans un drôle d’état. Les nerfs en mouvement et la langue sèche, elle arpentait la chambre de long en large. Elle avait des feux sur les pommettes et des lueurs mouillées dans l’œil. Désirée lui demanda si elle avait la fièvre, elle eut un rire silencieux.

— Ça y est, dit-elle.

— Quoi ? répondit l’autre.

— Eh bien mais, je suis sa maîtresse !