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quatre lanternes rouges, celle d’un poste de police et celles de trois marchands de tabac fardent de pourpre vive l’enduit éraillé des murs ; parfois une autre flamboie, une enseigne de brasserie, représentant une énorme chope tenue par une main scellée dans le plâtre, une chope remplie de sang dès qu’on l’allume.

La rue était pleine ce soir-là. Des cris de joie s’échappaient des fenêtres ouvertes des bals, des portes entrebâillées des marchands de vins. Des groupes stationnaient sur la chaussée, des bandes d’enfants tournaient autour, jouant à cache-cache, menacés de paires de gifles quand ils s’accrochaient aux blouses des hommes. Près du concert Jamin, près de l’ancien bal Grados surtout, la foule s’épaississait. À la porte de cette guinche, un municipal se dressait sur ses ergots de cuir, et des garçons avec des casquettes hautes et renflées, des chemises à jabots, des cols cassés et sans cravate, avalaient des fumées de cigarettes et s’injuriaient avec des filles empaquetées du col aux bottes dans de longs waterproofs. Sur le trottoir, des couples marchaient dans les feux jaunes et verts qui avaient sauté des bocaux d’un pharmacien, puis l’omnibus de Plaisance vint, coupant ce grouillis-grouillos, éclaboussant de ses deux flammes cerise la croupe blanche des chevaux, et les groupes se reformè-