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leurs cuisses. Ils jouèrent cette insupportable musique inventée par les italiens, s’interrompant après chaque morceau, pour faire la quête dans une coquille ; Auguste en veine de largesse leur donna trois sous. Désirée commença à craindre que son amoureux ne fût un panier percé. Il la rassura, prétendant que c’était la joie d’être auprès d’elle qui lui faisait commettre toutes ces folies, mais, en lui-même, il se dit qu’il aurait mieux valu encore lui répondre que, ces musiciens ayant l’air malheureux, il n’avait pas eu le courage de ne leur rien donner ; les femmes, quand elles ne sont pas elles-mêmes en jeu, étant toujours sensibles à la bonté des âmes. — Puis ils causèrent de musique. Désirée lui avoua qu’elle adorait les chansons sentimentales, ces chansons qui vous touchent l’âme avec les petits oiseaux qui s’envolent, les arbres qui poussent, les amoureux qui pleurent ; lui, préférait la chanson patriotique, celle qui enthousiasme et où il est question du drapeau tricolore et de l’Alsace. Il en connaissait une « la Lettre de l’enfant », une chanson à vous faire venir les larmes aux yeux tant c’était triste ! au reste, ni l’un ni l’autre ne détestaient les farces telles que « Je n’ose pas », « J’suis de Châlons », c’était très amusant, mais enfin, il n’y avait pas à dire, c’était moins poétique.