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des ouvriers qui partaient en bande ; il rejoignit Désirée sous le vestibule et lui proposa de faire route ensemble.

Elle accepta. L’offre d’Auguste lui convint, d’autant plus que sa sœur avait rendez-vous avec Anatole dans la crémerie de la rue Lecourbe, et que, par conséquent, elles devaient se quitter au coin du boulevard des Invalides.

Auguste s’était préparé à la lutte. — Il s’était habillé très convenablement, s’était coiffé de son chapeau des dimanches, un petit melon couleur d’amadou, avait fait l’emplette d’une cravate à raies roses et à crottes jaunes et il était décidé à payer, dans un café, un verre de quelque chose d’extraordinaire à la fillette. Certainement elle serait sensible à ce procédé, et il aurait l’air d’un garçon très bien élevé, en ne la traitant pas chez un marchand de vins.

La petite fut un peu intimidée, mais elle lui fut, en effet, reconnaissante de cette attention. Elle ne voulait pas d’abord prendre des choses dont on ne boit jamais, craignant que ce ne fût trop cher, mais lui, l’obligea à demander un verre de malaga. Cela lui sembla le nec plus ultra du luxe.

C’était l’heure de l’absinthe. — Le café regorgeait de monde et l’on commençait à allumer les girandoles. Désirée avait des picotements dans les