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apaiser. Elle s’habilla, le matin, toute songeuse, aida sa mère à atteler le cheval et chemin faisant, de Montrouge au marché, elle repassa son petit discours. La difficulté était de leur parler sans être vue par sa mère. Elle s’ingéniait à trouver des prétextes pour s’échapper un instant de la boutique et parler à chacun d’eux sans être vue par l’autre. Enfin, le hasard me fournira peut-être une occasion et, sur cette pensée consolante, elle fouetta vivement le cheval qui prit le petit trot et fit sonner, dans les rues endormies, les semelles de fer qu’il avait aux pieds.

Les deux rivaux étaient à leur place et se jetaient des regards défiants. Elle eut l’air de ne point les voir, déchargea la voiture et se promit, vers neuf heures, alors que le marché serait rempli de monde, de s’échapper. En effet, vers